Satisfaction élevée n’est pas synonyme de fidélité. Pour améliorer la rentabilité et favoriser la croissance de votre entreprise, élargissez vos perspectives. Concevez la satisfaction comme une dimension de votre feedback clients et déployez une stratégie d’expérience client sur tous vos canaux.

J’intervenais récemment auprès d’un public d’entrepreneurs plutôt jeunes, aux origines et aux parcours divers. Et j’ai été surpris de constater à quel point, aujourd’hui encore, les managers, les entrepreneurs croient dur comme fer que la satisfaction engendre une fidélité, qui plus est une fidélité totale et durable.

Or cette croyance résulte de ce qu’on peut appeler un piège cognitif collectif.

La théorie « classique » du marketing explique le réachat, donc la fidélité à un produit ou à une marque, par un mécanisme de rétroaction, entre l’évaluation de l’usage du produit et les attentes rationnelles du client. Cette explication est quasi-mécanique et quantitative : une grande quantité de satisfaction (soit une expérience d’usage conforme ou dépassant les attentes) déclenche un réachat. La démonstration est séduisante et crédible.

Et si l’approche expérientielle renouvelle significativement l’analyse de la satisfaction et de la fidélité, elle peut être interprétée comme un simple changement de support de l’évaluation du produit ou du service : on passerait (seulement) de critères objectifs à des émotions. Et donc, plus la quantité d’émotion est grande, plus le réachat, la fidélité, sera garantie.

Or tout cela est plus complexe : le mécanisme de feedback n’est pas décrit de manière si simpliste dans les modèles de marketing (sinon à quoi serviraient les agences marketing, digitales et en communication ?), les émotions ne remplacent pas la satisfaction objective, ces deux dimensions d’évaluation se complètent, s’additionnent, les consommateurs associent sans vergogne évaluations quantitatives et approches qualitatives (1). Sans négliger que les critères d’évaluation évoluent dans le temps.

Dans une perspective globale, la satisfaction n’est qu’une des facettes du feedback clients ou de la voix du client. Elle n’est pas toujours en phase avec l’expression d’un (mé)contentement juste après un contact avec vos équipes. La doctrine marketing-com c’est que la satisfaction se jouerait plutôt sur le temps long, les émotions sur une échelle temporelle (très) brève.

Alors, sur quoi la satisfaction agit-elle ?

Pour les produits de grande consommation, les clients ont tranché à notre place depuis longtemps : ils pratiquent la multi-fidélité. Cela peut même s’appliquer aux parfums ou au prêt à porter de luxe : le fan absolu n’est pas le cas le plus fréquent.

Que disent les données disponibles pour ou contre l’impact de la satisfaction ? Les études US les plus prestigieuses (ACSI) continuent de montrer qu’un taux de satisfaction (très) élevé (90% ou davantage) est associé à une capitalisation boursière et des ratios financiers plus élevés. Cette corrélation est probablement en partie le résultat d’une image plus positive auprès des marchés, des investisseurs. Et surtout, point de fidélité dans ces corrélations. Quid des PME ? Faute de données boursières, on ne sait pas trop … et elles non plus !

Souvent les résultats d’études diffusées par les grands cabinets de conseil montrent qu’une insatisfaction forte (mauvaise expérience, réclamation non traitée) conduit à une perte de fidélité. C’est bien normal, mais ce sont des événements plutôt peu fréquents pour la plupart des entreprises (sinon c’est qu’elles sont en mauvaise posture). Difficile donc de s’appuyer exclusivement sur ces cas (2). Et rien ne dit que, de manière symétrique, une satisfaction très élevée induit une fidélité renforcée. Surtout, ces résultats excluent les cas les plus nombreux, où la satisfaction est plutôt bonne ou plutôt mauvaise, donc n’engendre pas d’action forte, visible de la part du client.

Deux études (Forrester 2013 et Oracle 2012) associent expérience client et fidélité. Mais le petit twist c’est qu’on parle d’intention et non de comportement avéré. Et on ne mesure pas de manière comparative ce qui se passe si un concurrent propose une offre plus intéressante : le client reste-t-il fidèle totalement ou partiellement ? D’ailleurs, NPS (Net Promoter Score) et CES (Customer Effort Score) ne font pas de lien avec la fidélité. Coïncidence, je ne crois pas ?.

Vous allez me dire oui c’est bien beau tout ça mais regarde Apple ©, pour eux ça se vérifie et sur plusieurs années ! Et effectivement, la Pomme multicolore a un NPS impressionnant et une fidélité remarquable. Après, c’est un produit (très) haut de gamme dont le modèle n’est pas si aisément transposable. Et Apple © perd peu à peu des parts de marché, donc fidélité, oui mais. Et puis surtout, la question à se poser est : pourquoi sont-ils quasiment les seuls à valider la relation CSAT-NPS-fidélité ? Une exception est à l’opposée d’une règle.

Autre perturbateur : la rétention. Dans le cas de relation formalisées par un contrat, au moins une relation de plusieurs années, il est possible de mettre en œuvre des démarches de rétention des clients. Les banques françaises sont très fortes à ce jeu. Une politique de rétention des clients perturbe tout analyse d’un lien entre performance, satisfaction et fidélité, puisqu’elle permet de conserver la relation avec le client alors que la satisfaction n’est pas élevée.

Et maintenant on fait quoi ?

L‘absence de lien entre satisfaction ou expérience client et fidélité, est-elle dramatique ? pas nécessairement ! Ainsi, une étude de McKinsey Insights affirme que l’amélioration de l’expérience client conduit à une augmentation des revenus de l’ordre de 10 à 15% et à une baisse des coûts de 15 à 20%, donc une augmentation des bénéfices. Après tout, n’est-ce pas l’essentiel ?

Et le discours autour de l’expérience client souligne avant tout qu’avec les clients actuels, la qualité et l’originalité de l’expérience sont devenues incontournables pour croître plus vite que son marché, ou juste faire jeu égal avec les startups …et les nouveaux concurrents venus d’Asie.

Concrètement, on dispose d’un vaste éventail de solutions. La première étape consiste à acquérir une meilleure connaissance de l’évaluation de vos performances par vos prospects et clients. Elle s’appuie sur une mesure de leur satisfaction, plus ou moins détaillées, et une analyse raisonnée des avis clients, mais pas seulement : il faut recueillir et interpréter toutes les sources de voix du client, de feedback clients. La connaissance de vos parcours clients est stratégique. Cela ne garantit nullement leur fidélité, mais vous permettra de savoir sur quelles dimensions vous vous battez avec vos concurrents et si vous êtes parmi les meilleurs. Dans une deuxième étape, on doit bâtir un dispositif efficace de traitement rapide des réclamations clients ou concevoir et mettre en place une stratégie d’expérience client (CX). Si vous voulez transformer l’expérience client en avantage concurrentiel et différenciant, il faut passer à l’excellence clients.

1.On pourrait aussi ajouter que la psychologie comportementale nous a montré l’impact fort des biais cognitifs sur les analyses, donc leur manque de fiabilité et de rationalité, en particulier lorsque le nombre de critères pris en considération dépasse 5 ou 7.

2. Pour ceux qui voudraient évoquer la fameuse loi « pour un client qui réclame, 10 sont mécontents et ne se manifestent pas », on rappellera que ce ratio a été identifié dans les années 1940 et portait sur des rumeurs. Est-il toujours d’actualité ?

 

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